Entretien de Léa J., responsable de la communication chez MONDOCTEUR, avec docteur Jacques Lucas, Vice-président du Conseil National de l’Ordre des Médecins, Délégué général au Numérique

Quel type de photos peut-on publier en ligne sur son site professionnel ? Quel est la limite ?

Docteur Jacques Lucas : « Les photos du professionnel sont bien entendu autorisées. En ce qui concerne les photos dites avant/après, deux choses sont certaines : la première est que le patient ne doit pas pouvoir être reconnu. La seconde est que la photo ne doit pas être interprétée par l’usager comme étant une garantie de résultat, notamment lorsque cela concerne l’aspect esthétique. Il faut alors que le médecin fasse preuve de discernement. C’est d’ailleurs du ressort de la protection pour le médecin. En effet, les médecins ont une obligation de moyens, mais pas une obligation de résultats. Il ne faut donc pas que les photos laissent entendre « Je vais vous opérer et voici le résultat post opératoire ». L’objectif d’une photo est de servir d’illustration à un acte, pas d’en déduire des conclusions de résultats. Je recommanderai donc davantage des illustrations plutôt que des photos en matière de chirurgie plastique. Les patients fantasment déjà bien assez leurs opérations, évitons donc de transmettre en plus des photos de résultats espérés. Cela risque de devenir très périlleux ensuite pour le médecin ! »

 

Sujet très proche, celui de la vidéo. Est-il possible de mettre des vidéos en ligne sur son site professionnel ? Avez-vous un « cahier des charges » type ?

Docteur Jacques Lucas : « Il n’y a pas de cahier des charges précis. Ce seront les mêmes recommandations que pour les photos, à savoir la garantie d’anonymat du sujet en priorité. Parfois une vidéo vaut mieux qu’un long laïus et peut permettre d’expliquer de nombreuses interventions, à première vue compliquées. Elles doivent ainsi avoir une visée informative. Nous allons nous-mêmes avoir bientôt une chaîne Youtube au Conseil National de l’Ordre. Je pense que la vidéo peut véritablement être un très bon outil, notamment sous forme de tutoriel. »

 

Si un praticien dispose d’un site internet plus de vidéos, on peut penser qu’il est davantage « mis en avant » que ses confrères n’en possédant pas ?

Docteur Jacques Lucas : « On ne peut pas freiner l’innovation au prétexte que tout le monde n’est pas équipé. On ne peut pas interdire à un médecin de s’équiper de moyens au prétexte que les autres ne le sont pas. Ce serait freiner le progrès. En revanche, il faut faire bon usage de ces moyens, qui ne doivent pas avoir une quelconque visée promotionnelle. S’il y a une vidéo par exemple, le médecin ou le chirurgien n’a pas besoin nécessairement d’apparaître dans une posture avantageuse. Néanmoins, il peut détailler des procédures à condition  que le contenu de la vidéo ne fasse pas sa promotion. Cela peut être bien plus clair qu’à l’écrit d’ailleurs. »

 

Tout autre sujet… Quelle spécialité doit apparaître en premier sur le site personnel du médecin ? Sa spécialité ou l’exercice spécifique qu’il en fait ?

Docteur Jacques Lucas : « Le médecin est inscrit sous une qualification ordinale : « docteur en médecine, spécialiste en… ». En revanche, dans le cadre de sa spécialité le médecin peut indiquer un exercice spécifique. Par exemple un cardiologue qui ne fait plus que des cardiopathies congénitales, peut parfaitement indiquer qu’il est cardiologue et spécificité d’exercice cardiopathie congénitale. Il ne s’agit pas d’une autre spécialité mais d’une restriction de sa spécialité suite à son intérêt tout particulier. L’idée est d’indiquer clairement sa qualification ordinale et ensuite, s’il en a une, sa sous spécialité toujours dans l’optique d’orienter au mieux les patients. »

 

Peut-on parler de ses diplômes et les mettre en ligne ?

Docteur Jacques Lucas : « On peut mettre tout à fait mettre en ligne ses diplômes universitaires (ses DU et ses DIU – diplômes universitaire et diplôme inter-universitaires). Attention, il faut également que ces diplômes soient reconnus par l’ordre : nous avons d’ailleurs une liste. Cela permet également d’informer la population. On peut aussi passer des diplômes, faire des publications, mais sans nécessairement l’afficher : cela fait partie de la formation permanente des médecins. »

 

Peut-on faire état de sa thèse et de ses résultats sur son site ?

Docteur Jacques Lucas : « La thèse est publique et la plupart du temps les étudiants obtiennent d’excellents résultats. En revanche, il me semble que mentionner la note pourrait avoir un petit arrière-goût de publicité et je n’en vois pas nécessairement l’intérêt. »

 

Un médecin peut-il indiquer sans faire de publicité qu’il est la référence dans un domaine en particulier ?

Docteur Jacques Lucas : « Les médecins peuvent bien entendu publier leurs titres et publications mais à aucun moment on ne peut dire que l’on est le meilleur dans une spécialité, ni même une référence. Ce serait alors vraiment de l’auto-admiration et typiquement ce que l’on pourrait nommer de la publicité comparative. En effet, en se plaçant comme référence, on sous entend que les autres ne le sont pas. Un médecin qui aurait ce genre de propos s’exposerait à des contentieux disciplinaires. De plus, inévitablement, il y aura la plainte d’une autre « référence ».

Le médecin doit avoir à l’esprit qu’il peut faire figurer sur son site de l’information honnête et loyale à l’égard du public. Et tout ce qui déborde de ce cadre peut tomber sous le coup de la publicité : telle est la réglementation française.  A noter cependant que la réglementation n’est pas la même partout en Europe, mais c’est un autre sujet ! »

 

Pour conclure…

Docteur Jacques Lucas : « Il est important de transposer dans le monde digital ce qui existe déjà dans le quotidien. Personne ne reproche à un médecin d’avoir un répondeur pour laisser des messages de prise de rendez-vous alors pourquoi l’incriminer s’il a un site offrant le même service ? Il faut cependant faire la distinction entre information et publicité en posant des barrières claires. »

 

Source : https://blog.mondocteur.fr/entretien-avec-le-docteur-lucas-vice-president-du-conseil-national-de-l-ordre-des-medecins

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